L’Évolutionnisme Économique Étendu appliqué à l’Intelligence économique (IE)
L’approche par l’Économie évolutionniste étendue (Fournier, 2011)1, est réalisée par analogie à la « synthèse évolutive élargie » – théorie de l’évolution correspondant à une vision systémique et élargie du processus évolutif. Elle interroge sur le rôle à attribuer à la sélection naturelle dans l’émergence de notre espèce et sur la manière dont elle se transforme une fois franchi le seuil civilisationnel. Ainsi, partant de l’anthropologie de Charles Darwin, telle qu’elle s’exprime dans « The Descent of Man in Relation to Sex » (1871), et s’aidant du concept de la construction de niche de F. J. Odling-Smee2 – identifiée comme le véritable chaînon conceptuel manquant entre la nature et la culture- ce courant de pensée permet, entre autres, de mûrir une réflexion sur le paramètre économique, vu comme le trait spécifique et décisif de la niche écologique humaine (Fournier, 2011).
Pour Fournier, en 2010, l’économie dispose d’un biotope économique, d’une biocénose économique (les agents économiques en présence), d’un écosystème économique (les agents économiques, en relation entre eux et avec leur milieu), le tout abrité dans une écosphère (la sphère économique). Pour scinder l’économique du naturel, Gatines utilise en 2020, les néologismes « éconotope » (biotope économique), « éconocénose » (biocénose économique), « éconosystème » (écosystème économique) et « éconosphère » (sphère économique).
Pour Fournier, en 2010, le biotope économique (« éconotope ») est composé d’un « abiotope » (un sol de réactions automatiques, binaires et instinctives, ou quasi-instinctives, incluant les réaction égoïques de ses agents), d’un « agotope » (existence faîte de relations proies-prédateurs, de relations concurrentielles), et d’un « cognotope » (un ciel de lois, de règlements, en structure des pressions de sélection).
L’Econocénose (les agents économiques) est composée d’espèces ingénieures, c’est-à-dire capables de modifier leur environnement, et d’espèces ingénieures avancées (vivant avec la technique (de façon exosomatique) et étant également en mesure, par leur activité, de modifier leur milieu). L’espèce humaine sera ici qualifiée d’espèce hyper-ingénieure (comme on parle d’hyper-prédateur au sein du réseau trophique) (Fournier, 2011).
La théorie de l’économie évolutionniste étendue considère que le milieu économique -un milieu non strictement naturel- peut fonctionner dans certains cas de façon darwinienne, c’est-à-dire se comporter d’une manière analogue, comparable à celle d’un milieu naturel. Ce caractère sera qualifié de « biomimétique ». Le « biomimétisme » du milieu peut être imagé, par exemple, par l’affinité culturelle qui existe entre le darwinisme et le libéralisme économique, c’est-à-dire l’auto-organisation du vivant d’un côté, et l’auto-organisation de la vie économique de l’autre. De ce point de vue, l’éconotope, de par l’économie de marché, est un milieu biomimétique (Fournier, 2011).
L’Évolutionnisme Économique Étendu est tiré de la théorie de l’Économie évolutionniste étendue (Fournier, 2010)3 à laquelle a été incorporé la spécificité de l’ego humain comparé à l’ego animal. En effet, l’approche initiale ne considère l’ego qu’au travers ses réactions automatiques, comparables à l’automatisme réflexe des échanges physico-chimiques du biotope naturel (réactions égoïques présentes à la fois au sein du biotope économique et des agents économiques qui les génèrent, en Économie évolutionniste étendue). L’ego humain, comparé à l’ego animal, témoigne d’une déviance caractérisée, impactant notamment son comportement économique. Nous avons identifié ce point comme le deuxième chaînon manquant au raisonnement, permettant de faire le lien entre l’évolutionnaire économique (la façon dont l’économie évolue) à l’évolutionnisme économique (le but ultime poursuivi), complétant ainsi le schéma évolutionnel et l’identification originelle du premier chaînon conceptuel manquant entre la nature et la culture (le concept de la construction de niche de F. J. Odling-Smee).
L’incorporation de ce paramètre a fait naître l’Évolutionnisme Économique Étendu.
Présentation de la théorie – Introduction Webinaire du 8 juillet 2022 – 21 min
Présentation de la théorie – Webinaire du 8 juillet 2022 – Partie conclusive – 12 min
1Fournier G., (2011). Évolution et civilisation. De l’anthropologie de Charles Darwin à l’Économie évolutionniste étendue, Lille, TheBookEdition, collection Développons, 09/2011, 815 p.
2La construction de niche est l’« Influence (active ou passive, technique ou métabolique) d’une population sur son environnement qui, en retour, influence sensiblement son évolution » (Fournier, 2011 : p. 802). La construction de niche, selon Odling-Smee, est « le processus par lequel les organismes, par leurs métabolismes, leurs activités et leurs choix, modifient leur propre niche et/ou celle des autres. La construction de niche peut engendrer des changements dans une ou plusieurs pressions de sélection au sein de l’environnement extérieur des populations. Les organismes constructeurs de niches peuvent modifier les pressions de sélection originelles de leur propre population, d’autres populations, ou des deux. Le concept de construction de niche s’inscrit donc dans la logique des espèces ingénieures, celle insistant sur l’activité du vivant sur son environnement. La modification de structure des pressions de sélection engage l’espèce constructrice de sa niche dans une dynamique évolutive particulière » (Fournier, 2011 : p. 802-803).
3Fournier G., (2010). Évolution et civilisation : report des pressions sélectives, émancipation et ‘technosymbiose’ : de l’anthropologie de Charles Darwin à l’économie évolutionniste étendue, Thèse de doctorat en histoire, épistémologie et philosophie des sciences, des techniques et des technologies, université Lyon 1, 825 p.